THÉORIES DU COMPLOT

Également dénommées « complotisme » ou « conspirationnisme », les théories du complot regroupent, depuis le développement de nouvelles technologies favorisant leur diffusion, un nombre d’adeptes grandissant. Pour comprendre ce phénomène, il faut d’abord définir la notion de complot. Selon le Grand Robert[...]

De la réalité historique à la désinformation

L’histoire ne manque pas d’événements liés à des complots avérés. Citons-en quelques-uns : l’assassinat de Jules César dans la Rome antique, le massacre de la Saint-Barthélemy en France (1572), l’Affaire des poisons sous Louis XIV, l’attentat contre Hitler en juillet 1944, les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis… Il n’existe rien de commun entre ces différents événements si ce n’est qu’ils ont été préparés dans le plus grand secret.

Une théorie du complot consiste à falsifier la véracité historique, qu’il s’agisse de complots authentiques ou plus largement d’événements historiques[...]

À la recherche des « comploteurs »

Les complotistes, instigateurs et adeptes de théories du complot, désignent les comploteurs en fonction de leurs propres intérêts et croyances. Les juifs, objet d’un antisémitisme millénaire, sont parmi les cibles les plus anciennement désignées. Ainsi, certains complotistes se réfèrent encore aux Protocoles des Sages de Sion, un ouvrage démontrant selon eux le projet des juifs de prendre le pouvoir sur le monde. On a beau savoir, selon des preuves irréfutables, que ce texte est un faux écrit par la police secrète russe, à la fin du XIX^e siècle dans un but politique antisémite, rien n’y fait : pour le complotiste, la réfutation de son argument ne représente qu’un élément supplémentaire de la même conspiration. Il en constitue même une preuve incontestable. Ainsi se développe une forme de paranoïa.

D’autres « comploteurs » sont également désignés : la franc-maçonnerie, les Illuminati (société de pensée allemande du XVIII^e siècle), l’ordre catholique des jésuites, les communistes à l’époque de la guerre froide… La liste est sans fin puisque tout groupe disposant d’un tant soit peu de pouvoir ou d’influence peut être pris pour cible sans que sa culpabilité soit prouvée d’aucune façon. On peut citer à titre d’exemples deux événements historiques autour desquels se sont développées des théories du complot. Ainsi, des complotistes ont accusé les États-Unis d’avoir mis en scène dans un studio hollywoodien les premiers pas sur la Lune en 1969 afin de montrer, en pleine guerre froide, leur supériorité dans[...]

Une vision simplificatrice du monde

Dans son esprit, le complotiste a un grand avantage sur l’homme « ordinaire » : il estime posséder une connaissance qui reste cachée à ce dernier. Contestant la version communément admise des événements, il prétend révéler la vérité en proposant une vision simplifiée du monde : souvent, une seule cause, indissociable du complot, permet de tout expliquer. La réalité retrouve ainsi un ordre compréhensible, voire rassurant, tandis que les ennemis à combattre sont clairement identifiés... Le complotiste peut alors s’attribuer un rôle d’« éclaireur », voire de « résistant ».

La dénonciation systématique, la déformation des propos de l’adversaire sont les moyens que privilégient les instigateurs de théories conspirationnistes, tout comme l’inversion de la charge de la preuve. À celui qui le contredit, le complotiste répond : « Prouvez-moi que j’ai tort ! », ce qui s’avère très difficile, puisque son argument ne repose sur rien de tangible.[...]

Les outils de diffusion

Rien de tout cela ne serait possible sans de puissants outils de diffusion médiatique, dont Internet constitue aujourd’hui le fer de lance. Pendant des siècles, les théories du complot se sont limitées la plupart du temps à l’entourage de celui qui les professait, généralement dans les cercles du pouvoir. Elles restaient donc confidentielles. L’apparition au XVII^e siècle d’un premier média de masse,  la presse, va leur donner le moyen de se propager considérablement.

L’époque de la Révolution française entraîne la parution d’une multitude de gazettes et de pamphlets dont certains véhiculent des théories du complot. Les périodes de crise, les révolutions leur sont d’ailleurs favorables : à ceux que les événements perturbent et inquiètent, elles apportent une forme de réponse en désignant de possibles boucs émissaires et en avançant l’idée d’une conspiration à grande échelle.

Par la suite, s’ajoutant aux médias traditionnels (livres, radio, télévision), Internet a joué un rôle clé en relayant et amplifiant démesurément le processus de la rumeur et du soupçon à l’origine des théories du complot. La[...]