RÉCIT DE VOYAGE

Le plaisir de la découverte que procure un voyage peut se doubler d’un autre plaisir : celui de raconter son expérience. De là est né un sous-genre littéraire, le « récit de voyage », qui associe un déplacement réel, accompagné de réflexions sur les lieux visités, à des impressions personnelles.

La tradition du récit de voyage est ancienne puisque certains grands explorateurs ou navigateurs ont laissé une trace écrite de leurs aventures. Ainsi,[...]

Voyager, comparer

L’intérêt pour « l’ailleurs » et pour « l’autre » va se développer à l’époque de la Renaissance, sous la plume d’authentiques voyageurs comme Jean de Léry (Histoire d’un voyage fait en la terre de Brésil, 1578), mais aussi sous celle de certains poètes comme Joachim du Bellay (Les Regrets, 1558). Lors d’un voyage à travers l’Europe, Montaigne rédige également un Journal de voyage (1580-1581), dans lequel se révèlent la curiosité et l’ouverture d’esprit de cet humaniste, que l’on retrouve également dans son livre de toute une vie Les Essais : « Le voyager me semble un exercice profitable. L’âme y a une continuelle exercitation à remarquer des choses inconnues et nouvelles ; et je ne sache point meilleure école, comme je l’ai dit souvent, à former la vie. »  

Aux XVII^e et XVIII^e siècles, des voyageurs comme François Bernier,[...]

Retour aux sources

À partir du XVIII^e siècle, on voit également se développer la mode du « Grand Tour », qui conduit le voyageur - souvent jeune - en Italie et jusqu’aux confins de l’Europe. Charles de Brosses publie ses Lettres familières d’Italie en 1799. Stendhal, un autre amoureux de l’Italie, nous laisse ses souvenirs de « touriste » (mot introduit par ses soins dans Mémoires d’un touriste, 1838). George Sand, Prosper Mérimée ou Théophile Gautier rédigent, quant à eux, des notes à partir de leurs voyages avant d’en faire, parfois, des sujets de fictions.

Au XIX^e siècle, les « voyages en Orient » sont en vogue et font l’objet de dizaines de récits et de correspondances, dont ceux de François-René de Chateaubriand, Alphonse de Lamartine, Gérard de Nerval, Théophile Gautier, Gustave Flaubert. Ces voyageurs occasionnels voient dans les pays d’Orient (de la Grèce à l’Égypte, en passant par Constantinople, la Syrie, le Liban, la Palestine)[...]

Le temps du désenchantement

À partir du début du XX^e siècle, les facilités de déplacement et la démocratisation du tourisme entraînent une modification de l’image du voyage. Celui-ci perd beaucoup de son prestige et le récit de voyage ne peut plus se limiter à la simple description d’un itinéraire. Le lecteur attend une réflexion critique autour du voyage. C’est ce que font, selon des perspectives différentes, des auteurs comme Paul Nizan dans Aden Arabie (1932) ou Henri Michaux dans Un barbare en Asie (1933), qui pose un regard inédit, plein d’humour et de poésie, sur l’Extrême-Orient.[...]

Voyager, raconter

La littérature du voyage renvoie à l’« écriture du moi » : elle se fixe pour objectif de raconter une expérience personnelle, dans un espace différent. Il s’agit de prolonger l’évasion et de décrire la naissance de l’homme nouveau que l’expérience du voyage a permise.

Le récit de voyage peut se décliner sous différentes formes : simples notes, carnet de bord, éphéméride, relation construite, chronologique ou non, lettres. Il obéit aussi à certaines conventions rhétoriques : éloquence, ironie, lyrisme, penchant pour la confidence, méditation sur le temps, mélange de description objective, d’anecdotes et de réflexions personnelles… En outre, ces écrits peuvent comporter des aspects historiques, économiques, sociologiques, ethnologiques...

Le récit de voyage se mêle parfois aussi à la fiction. L’Odyssée (Homère) dans lequel Ulysse raconte son errance en Méditerranée, en est le modèle. Ces fictions peuvent rendre compte d’une quête (Gargantua, de Rabelais, Les Voyages de Gulliver, de Jonathan Swift), servir de décor pour des aventures ([...]