Un antihéros : Frédéric Moreau dans L'Éducation sentimentale
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Dans L'Éducation sentimentale (1869), Frédéric Moreau fréquente les milieux artistiques, assiste à plusieurs événements historiques entre 1840 et 1851. Mais l'indifférence demeure sa marque. Seule la figure idéale de Madame Arnoux l'obsède et le fait vivre.
– « Qu'est-ce que j'ai à faire dans le monde ? Les autres s'évertuent pour la richesse, la célébrité, le pouvoir ! Moi, je n'ai pas d'état, vous êtes mon occupation exclusive, toute ma fortune, le but, le centre de mon existence, de mes pensées. Je ne peux pas plus vivre sans vous que sans l'air du ciel ! Est-ce que vous ne sentez pas l'aspiration de mon âme monter vers la vôtre, et qu'elles doivent se confondre, et que j'en meurs ? »
Mme Arnoux se mit à trembler de tous ses membres.
– « Oh ! allez-vous-en ! je vous en prie ! »
L'expression bouleversée de sa figure l'arrêta. Puis il fit un pas. Mais elle se reculait, en joignant les deux mains.
– « Laissez-moi ! au nom du ciel ! de grâce ! »
Et Frédéric l'aimait tellement, qu'il sortit.
Bientôt, il fut pris de colère contre lui-même, se déclara un imbécile, et, vingt-quatre heures après, il revint.
Gustave Flaubert, L'Éducation sentimentale