Les Fourberies de Scapin, de Molière (extrait) : Scapin par lui-même
Ce document est lié à l'article «
Dans Les Fourberies de Scapin, Molière renoue avec l'esprit de la commedia dell'arte. Pour se tirer d'embarras, Octave fait appel à Scapin. Celui-ci est bien autre chose qu'un simple valet de comédie. Dans la tradition de la commedia dell'arte, il est d'abord un « fourbe », un homme rusé et sans scrupules, capable de démêler les situations les plus difficiles, et toujours prêt à se ranger du côté de la jeunesse. Voici le bref portrait qu'il donne de lui-même dans la scène d'exposition de la pièce.
OCTAVE : Ah ! Scapin, si tu pouvais trouver quelque invention, forger quelque machine, pour me tirer de la peine où je suis, je croirais t'être redevable de plus que de la vie.
SCAPIN : À vous dire la vérité, il y a peu de choses qui me soient impossibles, quand je m'en veux mêler. J'ai sans doute reçu du Ciel un génie assez beau pour toutes les fabriques de ces gentillesses d'esprit, de ces galanteries ingénieuses, à qui le vulgaire ignorant donne le nom de fourberies ; et je puis dire sans vanité qu'on n'a guère vu d'homme qui fût plus habile ouvrier de ressorts et d'intrigues, qui ait acquis plus de gloire que moi dans ce noble métier. Mais, ma foi, le mérite est trop maltraité aujourd'hui, et j'ai renoncé à toutes choses depuis certain chagrin d'une affaire qui m'arriva.
OCTAVE : Comment ? Quelle affaire, Scapin ?
SCAPIN : Une aventure où je me brouillai avec la justice.
OCTAVE : La justice !
SCAPIN : Oui, nous eûmes un petit démêlé ensemble.
SYLVESTRE : Toi et la justice ?
SCAPIN : Oui. Elle en usa fort mal avec moi, et je me dépitai de telle sorte contre l'ingratitude du siècle, que je résolus de ne plus rien faire. Baste ! Ne laissez pas de me conter votre aventure.
Source : Molière, Les Fourberies de Scapin, acte I, scène 2, 1671 (extrait)
