Jean-Philippe Rameau, le théoricien
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Jean-Philippe Rameau est un de ces rares compositeurs qui ont cherché à analyser leur propre démarche créatrice.
On doit à Rameau la première théorie cohérente de l'harmonie, fondée sur des principes physiques et les découvertes du mathématicien Joseph Sauveur. Pour lui, la musique est à la fois une science physico-mathématique (fondée sur le son, phénomène physique, et les rapports mathématiques des sons entre eux) et un art dont la finalité est d'exprimer et de susciter des passions.
Partant de la résonance d'une corde vibrante, Rameau note les harmoniques naturels : octave supérieure, 12e (quinte de l'accord parfait), 2e octave, 17e majeure (tierce de l'accord parfait majeur) et les sons les plus aigus perçus par une oreille exercée, et il conclut que tous les accords issus de la combinaison de ces sons sont identiques ; c'est le principe du renversement des accords. Ainsi, d'un seul son fondamental, il déduit l'unité de l'harmonie ; les 2e et 3e harmoniques formant la triade majeure, les dissonances naissant des tierces ajoutées. De plus, il formule la théorie des deux séries de quintes, ascendantes et descendantes. En outre, il remarque que, lorsque des cordes 2, 3, 4 et 5 fois plus longues entrent en vibration au côté de la corde résonante, elles fournissent des harmoniques inférieurs qui, ramenés à l'intérieur d'une octave, donnent la triade mineure (explication figurant dans la Génération harmonique). Il en déduit les rapports étroits entre la dominante, la sous-dominante et la tonique, fondement de l'harmonie classique. Enfin, il attribue aux tonalités et aux harmonies des effets psychologiques et des fonctions expressives. Ainsi, la joie et la magnificence se traduisent par des consonances ou des dissonances préparées, tandis que les dissonances non préparées expriment la fureur et le désespoir. Il pense que « le diatonique a l'agréable en partage, le chromatique, le varié, que le mode mineur tient du tendre et du triste, que l'enharmonique effraie, épouvante, met partout le désordre... ». Il en vient ainsi tout naturellement à formuler une esthétique fondée sur l'harmonie, dont le rôle est de « pénétrer l'âme [...] C'est à l'harmonie seulement qu'il appartient de remuer les passions, la mélodie ne tire sa force que de cette source dont elle émane directement ». C'est précisément ce que Rousseau contestera, en prônant avec les Italiens la primauté de la mélodie.