Du roman de mœurs au naturalisme
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Dans Germinie Lacerteux (1865), la malheureuse existence d'une servante est décrite avec un grand souci de réalisme. Avec ce roman de mœurs d'un genre nouveau, les frères Goncourt ouvrent la voie au naturalisme.
Lorsque la petite Germinie Lacerteux était arrivée à Paris, n'ayant pas encore quinze ans, ses sœurs, pressées de lui voir gagner sa vie et de lui mettre son pain à la main, l'avaient placée dans un petit café du boulevard où elle servait à la fois de femme de chambre à la maîtresse du café et d'aide aux garçons pour les gros ouvrages de l'établissement. L'enfant, sortie de son village et tombée là brusquement, se trouva dépaysée, tout effarouchée dans cette place, dans ce service. Elle sentait le premier instinct de ses pudeurs et la femme qu'elle allait être frissonner à ce contact perpétuel avec les garçons, à cette communauté de travail, de repas, d'existence avec des hommes ; et chaque fois qu'elle avait une sortie et qu'elle allait chez ses sœurs, c'étaient des pleurs, des désespoirs, des scènes où, sans se plaindre précisément de rien, elle montrait comme une terreur de rentrer, disant qu'elle ne voulait plus rester là, qu'elle s'y déplaisait, qu'elle aimait mieux retourner chez eux. On lui répondait qu'elle avait déjà assez coûté d'argent pour venir, que c'étaient des caprices, qu'elle était très bien où elle était, et on la renvoyait au café tout en larmes.
Edmond et Jules de Goncourt, Germinie Lacerteux, III
Source : Edmond et Jules de Goncourt, Germinie Lacerteux, 1865 (extrait)