Supplément au voyage de Bougainville, de Denis Diderot : un récit utopique
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Dès le 16e siècle, avec Montaigne par exemple, l'Occident s'interroge sur l'état de nature et ce qu'on appellera le mythe du bon sauvage. C'est toutefois au 18e siècle que celui-ci connaît son plus grand essor. Le Supplément au voyage de Bougainville, de Diderot, témoigne de cet intérêt pour une société idéale.
Dans le Supplément au voyage de Bougainville, Tahiti fonctionne comme une utopie, à la manière de la république idéale de Thomas More. Dans cette île préservée de la civilisation et d'abord de la propriété (Diderot rejoint ici le Rousseau du Discours sur l'origine de l'inégalité, 1755), la terre appartient à tous, femmes et hommes, sœurs et frères, pères et filles s'aiment librement, sans l'entrave de la pudeur ni de la loi. Les mots scandaleux d'« inceste » et séditieux d'« anarchie » sont prononcés. Mais l'utopie tahitienne est moins un mythe plein de nostalgie qu'une fiction qui célèbre l'« homme naturel » effacé par l'« homme artificiel » de la civilisation: « Ô le vilain pays ! dit Orou à l'Aumônier français. Si tout y est ordonné comme tu m'en dis, vous êtes plus barbares que nous. »