Les Tragiques, de Théodore Agrippa d’Aubigné (extrait) : une épopée d’un genre nouveau
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Misères, le chant qui ouvre Les Tragiques, évoque la France déchirée et les affreux spectacles des guerres de Religion. Cette réalité sanglante amène Agrippa d'Aubigné à faire ses adieux à la poésie influencée par Pétrarque et Ronsard qu'il avait pratiquée jusqu'alors, et à proclamer la nécessité d'une langue nouvelle.
Je n'écris plus les feux d'un amour inconnu
Mais par l'affliction plus sage devenu,
J'entreprends bien plus haut car j'apprends à ma plume
Un autre feu auquel la France se consume.
Ces ruisselets d'argent que les Grecs nous peignaient,
Où leurs poètes vains buvaient et se baignaient,
Ne courent plus ici; mais les ondes si claires
Qui eurent les saphirs et les perles contraires,
Sont rouges de nos morts; le doux bruit de leur flots,
Leur murmure plaisant, heurte contre des os.
Telle est en écrivant ma non-commune image;
Autre fureur qu'amour reluit en mon visage.
Source : Agrippa d'Aubigné, Les Tragiques, chant I, 1616 (extrait)