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Le Spleen de Paris, de Charles Baudelaire (extrait) : « Les Fenêtres »

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Dans Le Spleen de Paris, Baudelaire fait une large place aux foules, aux existences anonymes, aux laissés-pour-compte de la société. Comme dans « Les Fenêtres », le regard extérieur devient le support de la rêverie poétique.

Celui qui regarde du dehors à travers une fenêtre ouverte, ne voit jamais autant de choses que celui qui regarde une fenêtre fermée. Il n'est pas d'objet plus profond, plus mystérieux, plus fécond, plus ténébreux, plus éblouissant qu'une fenêtre éclairée d'une chandelle. Ce qu'on peut voir au soleil est toujours moins intéressant que ce qui se passe derrière une vitre. Dans ce trou noir ou lumineux vit la vie, rêve la vie, souffre la vie.

Par-delà des vagues de toits, j'aperçois une femme mûre, ridée déjà, pauvre, toujours penchée sur quelque chose, et qui ne sort jamais. Avec son visage, avec son vêtement, avec son geste, avec presque rien, j'ai refait l'histoire de cette femme, ou plutôt sa légende, et quelquefois je me la raconte à moi-même en pleurant.

Si c'eût été un pauvre vieux homme, j'aurais refait la sienne tout aussi aisément.

Et je me couche, fier d'avoir vécu et souffert dans d'autres que moi-même.

Peut-être me direz-vous : « Es-tu sûr que cette légende soit la vraie? » Qu'importe ce que peut être la réalité placée hors de moi, si elle m'a aidé à vivre, à sentir que je suis et ce que je suis ?

Source : Baudelaire, Le Spleen de Paris, 1863 (extrait)

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Encyclopædia Universalis. Le Spleen de Paris, de Charles Baudelaire (extrait) : « Les Fenêtres » [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )