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Le Loup et l’agneau, de Jean de La Fontaine

À partir des fables d'Ésope et de Phèdre, La Fontaine compose « un objet parfait » (André Gide), implacable description du droit du plus fort.

La raison du plus fort est toujours la meilleure :
Nous l'allons montrer tout à l'heure.
Un Agneau se désaltérait
Dans le courant d'une onde pure.
Un Loup survient à jeun, qui cherchait aventure,
Et que la faim en ces lieux attirait.
Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ?
Dit cet animal plein de rage :
Tu seras châtié de ta témérité.
Sire, répond l'Agneau, que Votre Majesté
Ne se mette pas en colère ;
Mais plutôt qu'elle considère
Que je me vas désaltérant
Dans le courant,
Plus de vingt pas au-dessous d'Elle ;
Et que par conséquent, en aucune façon,
Je ne puis troubler sa boisson.
Tu la troubles, reprit cette bête cruelle,
Et je sais que de moi tu médis l'an passé.
Comment l'aurais-je fait si je n'étais pas né ?
Reprit l'Agneau ; je tette encor ma mère
Si ce n'est toi, c'est donc ton frère.
Je n'en ai point. C'est donc quelqu'un des tiens :
Car vous ne m'épargnez guère,
Vous, vos Bergers et vos Chiens.
On me l'a dit : il faut que je me venge.
Là-dessus, au fond des forêts
Le loup l'emporte et puis le mange,
Sans autre forme de procès.

Source : Jean de La Fontaine, Fables, livre I, fable 10



Pour citer l'article : « Le Loup et l’agneau, de Jean de La Fontaine », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL : http://junior.universalis.fr/document/le-loup-et-l-agneau-de-jean-de-la-fontaine/

Ce document est lié à l'article LA FONTAINE, Jean de (1621-1695)