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La maison de Des Esseintes, un décor symboliste

Dans À rebours, Joris-Karl Huysmans crée le personnage de Des Esseintes où s'entrecroisent, jusqu'à la caricature, les traits saillants du symbolisme : dévotion pour l'art, passion de la solitude, mélancolie chronique. La maison qu'il habite est la représentation concrète de l'âme de cet « antihéros ».

Lorsque la maison de Fontenay fut prête et agencée, suivant ses désirs et ses plans, par un architecte, lorsqu'il ne resta plus qu'à déterminer l'ordonnance de l'ameublement et du décor, il passa de nouveau et longuement en revue la série des couleurs et des nuances.

Ce qu'il voulait, c'étaient des couleurs dont l'expression s'affirmât aux lumières factices des lampes ; peu lui importait même qu'elles fussent, aux lueurs du jour, insipides ou rêches, car il ne vivait guère que la nuit, pensant qu'on était mieux chez soi, plus seul, et que l'esprit ne s'excitait et ne crépitait réellement qu'au contact voisin de l'ombre ; il trouvait aussi une jouissance particulière à se tenir dans une chambre largement éclairée, seul éveillé et debout, au milieu des maisons enténébrées et endormies, une sorte de jouissance où il entrait peut-être une pointe de vanité, une satisfaction toute singulière, que connaissent les travailleurs attardés alors que, soulevant les rideaux des fenêtres, ils s'aperçoivent autour d'eux que tout est éteint, que tout est muet, que tout est mort.

Source : Joris-Karl Huysmans, À rebours, 1884 (extrait)

Pour citer l'article : « La maison de Des Esseintes, un décor symboliste », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL : http://junior.universalis.fr/document/la-maison-de-des-esseintes-un-decor-symboliste/

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