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L’apothéose de la symphonie

Le mot « symphonie », apparu vers le 16e siècle, est à l'origine presque synonyme de « musique » et peut désigner indifféremment n'importe quelle sorte de composition, à l'exception, sans doute, de la monodie pure. Très tôt, cependant, l'usage tend à limiter son application à la musique instrumentale (par opposition à la musique vocale), et plus spécialement à la musique d'ensemble.

À quelques rares exceptions près, la musique instrumentale avait toujours été considérée jusque vers la fin du 18e siècle comme d'essence inférieure à la musique vocale, tant il était admis que la musique, pour être réellement expressive, ne pouvait se passer d'un support littéraire. Les pièces instrumentales en question n'étaient le plus souvent que des « danseries » sans prétention, ou des « concerti » destinés à servir d'intermèdes au milieu de cantates d'église. La fonction naturelle de ces « suites », « ouvertures », « ritournelles » et autres sonates était de servir de musique d'ameublement. Les profondes recherches des luthistes ou des clavecinistes étaient reléguées au rang d'amusettes, et les plus savantes inventions des organistes n'étaient admises que comme interludes entre les chants prévus pour la liturgie.

Un des plus grands mérites des « symphonistes » est d'avoir revendiqué hautement la dignité de la musique instrumentale en présentant leurs œuvres comme des « objets » qu'on doit écouter avec respect, sinon avec intérêt. On peut facilement imaginer que les premières exécutions de symphonies au « Concert spirituel » ont donné aux Parisiens l'occasion d'écouter de la musique instrumentale sans s'occuper en même temps d'autre chose. La musique n'est plus seulement l'ornement d'une fête, elle est devenue l'objet même de la fête : il s'agit là d'une nouveauté tout à fait révolutionnaire. Peu à peu, le public en viendra à ressentir l'exécution solennelle d'une symphonie comme la célébration d'une sorte d'office religieux ou la représentation d'un mystère. En fin de compte, c'est toute la musique qui a bénéficié de cette « sacralisation du concert ».

À partir de Wolfgang Amadeus Mozart, et surtout de Ludwig van Beethoven, la symphonie a définitivement conquis ses lettres de noblesse. Bientôt, elle va occuper la position la plus élevée dans la hiérarchie des genres. Elle est, pour le musicien, à la fois le signe de la maîtrise technique et la consécration de la réussite sociale : une somme dans laquelle il a mis toute sa science et quelquefois même toute sa philosophie, une sorte de testament musical. Chaque symphonie a des allures de monument. Le temps n'est plus où Joseph Haydn pouvait écrire plus de 100 symphonies et Mozart une quarantaine en si peu d'années. Depuis Beethoven, les compositeurs les plus féconds dépassent rarement le cap de leur « neuvième symphonie ».



Pour citer l'article : « L’apothéose de la symphonie », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL : http://junior.universalis.fr/document/l-apotheose-de-la-symphonie/

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