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Gustave Courbet, peintre du « réalisme »

Gustave Courbet participe à l'action révolutionnaire de 1848, en peintre. On dirait que l'accélération historique précipite sa propre évolution, le débarrasse des dernières traces de romantisme, le confirme dans son besoin de franchise et dans son goût du réel.

Gustave Courbet peint la réalité sociale qui, à la lumière des événements, prend une dimension politique. C'est ainsi qu'aux Salons de 1849 puis de 1850, 1852 et 1853, des portraits et des paysages « purs » voisinent avec les œuvres célèbres où Courbet exprime sa vision de la société contemporaine : l'Après-Dînée à Ornans, Les Paysans de Flagey revenant de la foire, Un enterrement à Ornans, Les Casseurs de pierre, Les Demoiselles de village, Les Lutteurs. Il faut également ajouter la grande ébauche inachevée des Pompiers (1850-1851), Les Cribleuses de blé (1854), Les Demoiselles des bords de la Seine (1856-1857), et le grand Atelier de (1855).

Cette vision se caractérise d'abord par son objectivité. Elle enregistre, avec clairvoyance et détachement, des phénomènes profondément significatifs : la pesanteur et la monotonie du travail manuel, la rupture entre l'homme moderne et la nature et le besoin correspondant de « loisirs », l'isolement de l'individu dans la collectivité, le rituel mécanique réglant les actes de la vie collective... Courbet n'a sûrement pas lu Marx, dont le Manifeste du Parti communiste date de 1848, mais l'Enterrement, les Pompiers, l'Atelier imposent la notion de classe sociale ; le labeur brutal des « lutteurs » de 1853, leur musculature offerte à la consommation du public sont l'image même de l'aliénation.

Les sujets n'ont rien d'inédit, certains sont même fréquents dans la peinture et surtout dans la gravure depuis les années 1830, mais Courbet en renouvelle la représentation : aucune concession au pittoresque, une totale sobriété dans les expressions et les accessoires. La palette est généralement sombre. Au lieu de petits formats, il utilise de grandes toiles et des figures grandeur nature, auxquelles le spectateur est en quelque sorte confronté physiquement. Courbet confère à la représentation de l'homme du commun, de l'expérience banale, une présence et une dignité réservées jusqu'alors aux seuls héros de l'Histoire (dans son Salon de 1846, Charles Baudelaire ébauchait sa définition de « l'héroïsme de la vie moderne »).

Pour citer l'article : « Gustave Courbet, peintre du « réalisme » », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL : http://junior.universalis.fr/document/gustave-courbet-peintre-du-realisme/

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