Charte du Conseil national de la résistance (extrait)
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Le Conseil national de la Résistance (C.N.R.) est créé en mai 1943 par Jean Moulin avec des représentants des mouvements de résistance, des maquis, de la presse, des syndicats et des partis politiques opposés au régime de Vichy. Après des mois de négociations, le programme (ou « Charte du C.N.R. ») est adopté le 15 mars 1944. Il inclut un « plan d’action immédiate » afin de résister à l’envahisseur. Il prévoit également des réformes à mener dès la libération du territoire, afin d’instaurer un ordre social plus juste.
Unis quant au but à atteindre, unis quant aux moyens à mettre en œuvre pour atteindre ce but qui est la libération rapide du territoire, les représentants des mouvements, groupements, partis ou tendances politiques, groupés au sein du C.N.R., proclament qu’ils sont décidés à rester unis après la Libération :
[…]
4. Afin d’assurer :
– l’établissement de la démocratie la plus large en rendant la parole au peuple français par le rétablissement du suffrage universel ;
– la pleine liberté de pensée, de conscience et d’expression ;
– la liberté de la presse, son honneur, et son indépendance à l’égard de l’État, des puissances d’argent et des influences étrangères ;
– la liberté d’association, de réunion et de manifestation ;
– l’inviolabilité du domicile et le secret de la correspondance ;
– le respect de la personne humaine ;
– l’égalité absolue de tous les citoyens devant la loi.
5. Afin de promouvoir les réformes indispensables :
a) Sur le plan économique :
– l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie ;
– une organisation rationnelle de l’économie assurant la subordination des intérêts particuliers à l’intérêt général et affranchie de la dictature professionnelle instaurée à l’image des États fascistes ;
– l’intensification de la production nationale selon les lignes d’un plan arrêté par l’État après consultation des représentants de tous les éléments de cette production ;
– le retour à la Nation des grands moyens de production monopolisés, fruits du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d’assurances et des grandes banques ;
– le développement et le soutien des coopératives de production, d’achats et de ventes, agricoles et artisanales ;
– le droit d’accès, dans le cadre de l’entreprise, aux fonctions de direction et d’administration, pour les ouvriers possédant les qualifications nécessaires, et la participation des travailleurs à la direction de l’économie.
b) Sur le plan social :
– le droit au travail et le droit au repos, notamment par le rétablissement et l’amélioration du régime contractuel du travail ;
– un rajustement important des salaires et la garantie d’un niveau de salaire et de traitement qui assure à chaque travailleur et à sa famille la sécurité, la dignité et la possibilité d’une vie pleinement humaine ;
– la garantie du pouvoir d’achat national par une politique tendant à la stabilité de la monnaie ;
– la reconstitution, dans ses libertés traditionnelles, d’un syndicalisme indépendant, doté de larges pouvoirs dans l’organisation de la vie économique et sociale ;
– un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’État ;
– la sécurité de l’emploi, la réglementation des conditions d’embauchage et de licenciement, le rétablissement des délégués d’atelier ;
– l’élévation et la sécurité du niveau de vie des travailleurs de la terre par une politique de prix agricoles rémunérateurs, améliorant et généralisant l’expérience de l’Office du blé, par une législation sociale accordant aux salariés agricoles les mêmes droits qu’aux salariés de l’industrie, par un système d’assurance contre les calamités agricoles, par l’établissement d’un juste statut du fermage et du métayage, par des facilités d’accession à la propriété pour les jeunes familles paysannes et par la réalisation d’un plan d’équipement rural ;
– une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ;
– le dédommagement des sinistrés et des allocations et pensions pour les victimes de la terreur fasciste.
c) Une extension des droits politiques, sociaux et économiques des populations indigènes et coloniales.
d) La possibilité effective pour tous les enfants français de bénéficier de l’instruction et d’accéder à la culture la plus développée quelle que soit la situation de fortune de leurs parents, afin que les fonctions les plus hautes soient réellement accessibles à tous ceux qui auront les capacités requises pour les exercer et que soit ainsi promue une élite véritable, non de naissance mais de mérite, et constamment renouvelée par les apports populaires.
Source : Charte du Conseil national de la résistance, signée le 15 mars 1944 (extraits)