« Qu’est-ce qu’une nation ? » selon Ernest Renan
Ce document est lié à l'article «
Ernest Renan prononce, le 11 mars 1882, un discours qui fait date. Il s'exprime sur une question qui a dominé tout le 19e siècle, avec la diffusion du concept de nation issu de la Révolution française : le problème des nationalités et des mouvements nationalistes en Europe. Il précise son dessein, qui est d'analyser « une idée, claire en apparence, mais qui prête aux plus dangereux malentendus ».
Ernest Renan montre, dans une première partie, que les nations entendues comme individualités historiques constituent un phénomène nouveau dans l'histoire. Ce qui, d'après lui, caractérise les différents États européens, « c'est la fusion des populations qui les composent », et l'on n'a pas à s'attarder sur les vicissitudes des processus qui l'ont opérée : « L'oubli, dit-il, et même l'erreur historique sont un facteur essentiel de la création d'une nation. »
La seconde partie de son propos s'ouvre sur la constatation d'une dé-liaison, celle de la nation et d'un principe dynastique : à côté du droit dynastique existe un droit national. Il s'agit dès lors de savoir sur quoi repose ce dernier. Ce n'est pas la race ; la race pure est une chimère, comme l'est la politique qui prétend se fonder sur l'ethnographie. Ce n'est pas la langue, formation historique qui « invite à se réunir » sans y forcer, ni la religion, devenue « chose individuelle », ni la communauté des intérêts sans attaches sentimentales – une union douanière n'est pas une patrie –, ni enfin la géographie, les frontières naturelles : une nation n'est pas un groupe « déterminé par la configuration du sol ».
On s'achemine, au terme de ces réfutations, vers la célèbre définition de la nation donnée par Ernest Renan dans la dernière partie de sa conférence : « Une nation est une âme, un principe spirituel. [...] L’une est dans le passé, l’autre dans le présent. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis. [...] Une nation est donc une grande solidarité, constituée par le sentiment des sacrifices qu'on a faits et de ceux qu'on est disposé à faire encore. »