Prouns, œuvres de Lazar Lissitzky
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Lazar, dit El, Lissitzky rejoint les rangs des opposants à la peinture de chevalet, pratique jugée bourgeoise et individualiste. Il réalise alors des œuvres interdisciplinaires appelées prouns : il entreprend de repenser l'architecture, l'urbanisme et le design à partir des expériences spatiales de la peinture abstraite.
El Lissitzky assimile les théories de Casimir Malévitch, qui ont supprimé la perspective illusionniste de la Renaissance, et la perception fixe, frontale et limitée de l'espace. Cherchant à étendre cette idée à l'architecture, Lissitzky introduit dans l'espace blanc du suprématisme des volumes dessinés en axonométrie (technique de projection géométrique où les lignes de fuite restent parallèles). À ces compositions, d'abord peintes sur toile, il donne à la fin de 1920 le nom de prouns (« projets pour l'affirmation du nouveau »). Proun P23, Cube avec hyperbole (1919), tire son dynamisme de l'ambiguïté entre la forme et le fond, le vide et le plein. Une photographie de 1919-1920 montre cette œuvre posée « à l'envers » sur un chevalet : les prouns sont des tableaux-objets d'un genre nouveau, abolissant la loi de gravité, mais aussi l'idée d'un sens de lecture unique. Dans l'album de 11 lithographies en noir Prouns (Moscou, 1921), les compositions sont soumises à toutes sortes de rotations et de distorsions optiques, comme l'espace sans dimensions du cosmos ou l'urbanisme du futur.
Plus que des véritables « projets » d'architecture, Lissitzky élabore ici une réflexion novatrice sur les rapports entre l'homme et son environnement immédiat. À la Grande Exposition de Berlin, en 1923, il est un des premiers artistes à présenter un environnement : l'Espace-proun, parcours modelé plastiquement par la forme, la couleur et le volume, qui inspire au spectateur une attitude de déambulation plutôt que de contemplation passive.