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Lettre à Paul Demeny, d’Arthur Rimbaud (extrait) : le voyant

Dans ce qu'on appelle les « lettres du voyant », Rimbaud précise sa conception de la poésie. Celle-ci devient un vaste champ d'expérimentation, une expérimentation de la rupture vécue à travers le langage : « La première étude de l'homme qui veut être poète est sa propre connaissance, entière ; il cherche son âme, il l'inspecte, il la tente, il l'apprend. »

Je dis qu'il faut être voyant, se faire voyant.

Le Poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. Toutes les formes d'amour, de souffrance, de folie ; il cherche lui-même, il épuise en lui tous les poisons, pour n'en garder que les quintessences. Ineffable torture où il a besoin de toute la foi, de toute la force surhumaine, où il devient entre tous le grand malade, le grand criminel, le grand maudit – et le suprême Savant ! Car il arrive à l'inconnu ! Puisqu'il a cultivé son âme, déjà riche, plus qu'aucun ! Il arrive à l'inconnu, et quand, affolé, il finirait par perdre l'intelligence de ses visions, il les a vues ! Qu'il crève dans son bondissement par les choses inouïes et innombrables : viendront d'autres horribles travailleurs ; ils commenceront par les horizons où l'autre s'est affaissé !

Source : Arthur Rimbaud, Lettre à Paul Demeny, 15 mai 1871 (extrait)

Pour citer l'article : « Lettre à Paul Demeny, d’Arthur Rimbaud (extrait) : le voyant », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL : http://junior.universalis.fr/document/lettre-a-paul-demeny-d-arthur-rimbaud-extrait-le-voyant/

Ce document est lié à l'article RIMBAUD, Arthur (1854-1891)