Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

La Nouvelle Héloïse, de Jean-Jacques Rousseau (extrait) : les Parisiennes et la mode

Ce document est lié à l'article «  ROUSSEAU, Jean-Jacques (1712-1778)  ».

Sur le modèle du roman par lettres, Saint-Preux décrit pour Julie ce qu'il voit autour de lui lors de ses voyages. Son séjour à Paris est l'occasion d'une attaque en règle contre le luxe et le besoin de séduire tels qu'ils s'incarnent chez la Parisienne.

Qu’ont-elles donc fait ? Elles ont choisi des moyens plus sûrs, plus adroits, et qui marquent plus de réflexion. Elles savent que des idées de pudeur et de modestie sont profondément gravées dans l’esprit du peuple. C’est là ce qui leur a suggéré des modes inimitables. Elles ont vu que le peuple avait en horreur le rouge, qu’il s’obstine à nommer grossièrement du fard, elles se sont appliqué quatre doigts, non de fard, mais de rouge ; car, le mot changé, la chose n’est plus la même. Elles ont vu qu’une gorge découverte est en scandale au public ; elles ont largement échancré leur corps. Elles ont vu… oh ! bien des choses, que ma Julie, toute demoiselle qu’elle est, ne verra sûrement jamais. Elles ont mis dans leurs manières le même esprit qui dirige leur ajustement. Cette pudeur charmante qui distingue, honore et embellit ton sexe, leur a paru vile et roturière ; elles ont animé leur geste et leur propos d’une noble impudence ; et il n’y a point d’honnête homme à qui leur regard assuré ne fasse baisser les yeux. C’est ainsi que cessant d’être femmes, de peur d’être confondues avec les autres femmes, elles préfèrent leur rang à leur sexe, et imitent les filles de joie, afin de n’être pas imitées.

Source : Jean-Jacques Rousseau, La Nouvelle Héloïse, partie II, lettre 22, 1761 (extrait)

Classification

Pour citer ce document

Encyclopædia Universalis. La Nouvelle Héloïse, de Jean-Jacques Rousseau (extrait) : les Parisiennes et la mode [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )