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La caricature en France

La caricature anglaise, qui se développa à la faveur des événements politiques, permit aux artistes français d'atteindre plus vite et plus efficacement les buts qu'ils recherchaient. Dès le début du 19e siècle, ils adoptèrent la technique de la lithographie, qui donna à leur œuvre une qualité nouvelle.

La grande période de la caricature française commença sous Louis-Philippe, avec la célèbre série de portraits dessinés par Philipon pour Le Charivari. Le visage du roi y faisait l'objet de comparaisons avec la forme de la poire. L'idée n'était pas nouvelle mais, exploitée sur le plan politique, elle devenait subversive. La publication fit grand bruit, et Philipon fut condamné.

De 1830 à 1850, les principaux caricaturistes furent Daumier, Gavarni, Gustave Doré, Grandville, Bertall, Pigal, Nadar, Cham, Henri Monnier, Travies, Edmond Morin. Pendant le second Empire, Gill réalisa des portraits en charge, et Grévin s’illustra dans la caricature des mœurs.

Les caricaturistes surent si bien comprendre l'esprit de leur temps qu'ils créèrent des personnages représentatifs des diverses couches sociales de la société du 19e siècle. Les caractères de l'aventurier, du conformiste, de l'exploité se trouvèrent ainsi représenté dans les personnages de Robert Macaire et Ratapoil de Daumier, Mayeux de Travies, Joseph Prudhomme de Monnier, Thomas Vireloque de Gavarni. Mais ces « types », contrairement aux politiciens traités sans ménagements, n'étaient pas dépourvus d'une certaine ambiguïté. Par exemple, le peuple accorda volontiers du prestige à la figure cynique de Robert Macaire, qui tout à la fois profitait de l'ordre établi et défiait la morale.

À la fin du 19e siècle, la critique des mœurs battait son plein avec les caricaturistes : Forain, Caran d'Ache, Léandre, Hermann Paul, Ibels et Robida. La mode des histoires en images imitées du suisse Rodolphe Töpffer fut reprise par les dessinateurs Steinlein, Willette et Doës, qui réalisaient des saynètes avec des personnages aux silhouettes très découpées, inspirées par le théâtre d'ombres du cabaret Le Chat noir.

La République divisa les caricaturistes. L'affaire Dreyfus, qui éclata en 1894, suscita des inimitiés dans la presse. Forain et Caran d'Ache publièrent Psst... !, journal résolument antidreyfusard. Hermann Paul et Ibels répliquèrent avec Le Sifflet.

Parallèlement aux questions politiques, la situation sociale joua un rôle important dans l'activité des caricaturistes. L'Assiette au beurre, avec Steinlein, Roubille, Jossot, Ricardo Flores, mena une lutte acharnée contre l'injustice sociale, le colonialisme, le militarisme.

La Première Guerre mondiale refit l'unité des caricaturistes. L'amertume de l'après-guerre, la mode, les crises politiques, les affaires internationales, l'affaire Stavisky, le Front populaire, les Croix-de-Feu permirent aux caricaturistes de mener leurs combats : Gassier pour la gauche, Sennep pour la droite.

La Seconde Guerre mondiale devait porter le coup de grâce à la caricature, qui cessa d'être un moyen d'expression privilégié pour devenir un moyen d'information et d'orientation mineur.

À côté du courant politique, Dubout proposait une approche à la fois amusante et amère de la réalité. Ses femmes énormes et ses hommes écrasés sont devenus des types extrêmement populaires : on dit des « personnages à la Dubout ».



Pour citer l'article : « La caricature en France », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL : http://junior.universalis.fr/document/la-caricature-en-france/

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