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Britannicus, de Jean Racine (extrait) : désir et tyrannie

Britannicus est une des pièces de Racine où se voit le plus clairement le lien entre passion amoureuse et passion politique. Dans ce le célèbre monologue de l'acte II, Néron raconte l'emprisonnement de Junie, qu'aime Britannicus. Au fil de son récit, il découvre un visage nouveau de son pouvoir : celui de faire souffrir.

Excité d'un désir curieux,

Cette nuit je l'ai vue arriver en ces lieux,

Triste, levant au ciel ses yeux mouillés de larmes,

Qui brillaient au travers des flambeaux et des armes,

Belle, sans ornement, dans le simple appareil

D'une beauté qu'on vient d'arracher au sommeil.

Que veux-tu ? Je ne sais si cette négligence,

Les ombres, les flambeaux, les cris et le silence,

Et le farouche aspect de ses fiers ravisseurs,

Relevaient de ses yeux les timides douceurs,

Quoi qu'il en soit, ravi d'une si belle vue,

J'ai voulu lui parler, et ma voix s'est perdue :

Immobile, saisi d'un long étonnement,

Je l'ai laissé passer dans son appartement.

J'ai passé dans le mien. C'est là que, solitaire,

De son image en vain j'ai voulu me distraire.

Trop présente à mes yeux je croyais lui parler ;

J'aimais jusqu'à ses pleurs que je faisais couler.

Quelquefois, mais trop tard, je lui demandais grâce :

J'employais les soupirs, et même la menace.

Voilà comme, occupé de mon nouvel amour,

Mes yeux, sans se fermer, ont attendu le jour.

Source : Jean Racine, Britannicus, acte II, scène 2, 1669 (extrait)



Pour citer l'article : « Britannicus, de Jean Racine (extrait) : désir et tyrannie », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL : http://junior.universalis.fr/document/britannicus-de-jean-racine-extrait-desir-et-tyrannie/

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